Labyrinthe : Les triangles (IV)

Et il pleuvait à grosses gouttes sur la Capitale. La pluie coulait le long de la vitre sale de l’Hôtel des Morts-Lentes. Les dernières bougies des festins s’éteignaient et je ne savais pas depuis combien de temps j’étais ici. La déferlante des heures, des jours et peut-être même des années affectait mon jugement. Je n’avais jamais cru pouvoir rester figé dans un lieu aussi longtemps. La tristesse devant le vide qui m’entourait ne provoquait plus rien en moi. J’avais peur de commencer cette grande guerre, celle pour laquelle j’avais traversé le labyrinthe; maintenant que j’étais si près du but, je ne savais plus dans quel camp j’étais.
 
Sur le mur de ma chambre se trouvait une étrange œuvre d’art, signée d’une thématique qui s’ouvrait sur une grande question. Une œuvre d’un ancien collectif perdu et aspiré par le labyrinthe des années plus tôt. Je reconnus cette signature pour l’avoir déjà vue maintes fois en graffitis sur les murs : « Pourquoi jamais? » Soudain, je fus pris de vertige, je me trouvais en pleine nature dans une immense cabane de bois. Les chandelles étaient la seule source d’éclairage et dehors un violent orage battait les vitres du camp.
 
Franchir le dernier chemin, le feu qui brûle. Coulent, telle de la cire fondue, les verres de gin qui engluent les souvenirs. Les glaçons s’entrechoquent au fond du verre. Une cigarette s’éteint sur la dernière ligne écrite. Partir au loin faire la guerre dans un empire de sable mouvant. Embrasser un mannequin vedette de cinéma. Traverser la mer pour rencontrer un vendeur d’armes et devenir son ami. S’évader de la plus haute forteresse. La chandelle se consume et je me vois allumer un cierge dans un lointain monastère. Brûler les espérances, brûler les drapeaux, brûler les mots.
 
Quand je revins à moi dans la chambre, la chandelle brûlait déjà le tapis et progressivement les rideaux s’enflammèrent. L’Hôtel des Morts-Lentes ne serait bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Quelque chose m’avait enfin libéré de ce lieu maudit. Je revenais enfin à l’essentiel. Il était temps de passer à l’Est. Je me mis de nouveau en marche dans les rues de la Capitale. Lorsque je plongeai les mains dans mes poches, j’en sortis, étonné, une clé en forme de triangle.
 
-Lac Carré nuit du 25 mai
(Merci à mon père pour les idées et surtout la correction)

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