Comme je marchais dans les limbes des désolations, les ruines des déchirures affectaient mes regards et de mes yeux perlaient les rêves de mondes nouveaux. Un cerveau en tête d’abricot et des mousses folles, je m’élevais grandiose.
Je n’avais d’espoir que pour un seul sourire. J’étais perdue au firmament du désir. Quitter ce monde aux idées fixes, mortes et noires. Je rêvais d’aventure qui d’un seul trait effacerait les angoisses de mes canaux interstellaires.
Je n’étais qu’une enfant, dans un monde de vieux, qui attendait les clients perdus dans la nuit ici à l’Escale, commerce du milieu et du bout du monde coincé entre deux maringouins et quelques sapins.
Alors que j’étais perdue dans mes rêveries et que mon monde réel me tuait de son ennui quotidien, j’entendis un bruit au loin. Le moteur rugissant d’une Mustang dont le son de la décélération m’indiquait que j’aurais enfin de la compagnie, mais j’étais loin de me douter que celle-ci m’emporterait avec elle.
***
Bon, on va devoir s’arrêter et faire le plein. Il dort toujours, elle aussi. Le repos du guerrier.
Le Chauffeur arrêta la voiture devant la pompe 68 de l’Escale. La nuit était noire et sans failles. Quand le moteur s’arrêta de gronder, chérie se reposait et le chant des criquets s’amplifia. Le Nord dans toute sa splendeur.
Bon, le plein est fait. Je pense que je vais profiter du silence et de notre avance pour acheter un peu d’alcool et de bouffe. Tu m’attends ici, Chérie. Je reviens.
Le magasin offrait l’ensemble des commodités. Le Chauffeur entra. Une jeune fille d’environ dix-neuf ans perdue dans ses rêveries lui fit un grand sourire. Le Chauffeur ne lui porta pas attention et se dirigea d’un pas déterminé vers le frigo à bière.
Furtivement, une voiture de la Sureté du Québec se gara à la pompe 66.