Grève

Négos

(Cliquez sur "lecture" avant de commencer)

(Merci à Daryl pour l'expérimentation musicale à quatre mains)

À contre-courant.

Quand le corps fait grève
et que la grève fait corps.

 

          Ce jour-là,
Pas de crayon, pas d’aquarelle pour tenter de capter, de dessiner le mouvement.
Pas d’anthropologie pour le décortiquer, l’analyser.
Dissolution de l’ego, expérience directe du moment présent.
Je marche sur Sherbrooke. Il est 14h. J’avance à la rencontre de la manifestation.
          Premier frisson.
Sentir l’ampleur du mouvement, la taille de la vague qui arrive vers nous et dans laquelle on va entrer, sur laquelle on va glisser. On ne sait jamais pour combien de temps. Une seule idée en tête : être debout.
Mon premier coup de cœur : un slogan créé par François Gourd, foulosophe déjanté, lors du mouvement Occupons Montréal.
Je demande :
- Qui a trouvé ça? C’est excellent!
- Je sais pas. Tu le veux?
        Alors armé de mon panneau « Printemps Érable » je continue à remonter le courant tel un Salomon qui remonte la rivière, que dis-je, le fleuve. Dans quels buts?
        Voir les visages, croiser les regards, rencontrer les amitiés, celles qu’on a perdues de vue, celles qui restent. Prendre le temps, un moment en leur compagnie. Écouter, partager leurs convictions, leur vision. Puis les quitter de nouveau. J’ai les yeux qui s’ouvrent à mesure de ma progression. Au sens propre comme au figuré. L’énergie de la foule me galvanise, me fait un effet d’amphétamine. Ça y est, j’ai les yeux écarquillés.
        Mon deuxième coup de cœur : là-haut, des enfants dans une garderie. De la peinture rouge plein les mains, barbouillée sur les vitres. Ces mêmes enfants qui un jour marcheront à notre place, si on en reste là. Car la grève est un moyen plus qu’une fin en soi. Un carnaval de possibles comme j’aime à le répéter. Un moment, où tout un chacun s’exprime, trouve sa voix, sa manière, son rythme : publications (comme celle que vous tenez entre les mains), coups de théâtre, discours politiques, réflexions philosophiques, danses, musiques. Avez-vous remarqué la multiplication de ces actes, de ces échanges? À quel autre moment des étudiants de différents « départements » se réunissent-ils pour discuter? Pour s’écouter?

La grève nous permet de tendre l’oreille.
C’est un début.
C’est le début.
Écouter.

Nous avons dépassé l’unique cadre scolaire. Nous marchons vers un mouvement général.
Écoutons ce que cet « autre », qui étrangement nous ressemble, a bien à dire.